La savate

Format carte de visite. Au verso : «  Photographie de la porte saint Denis. France. Photographe des députés de la Seine et du Conseil municipal. Boulevard Bonne Nouvelle. 1889. » Inscription manuscrite au recto : «  René Bouche »

Sur un fauteuil d’occasion, je pose avec une superbe marotte à tête en porcelaine. J’ai de beaux yeux, une bouille bien ronde et les pieds à peu prés propres. On m’a coupé les cheveux courts pour éviter les poux. Je porte une jolie chemise à rubans cousue par ma tante Carla.

Adolescent, je suis initié par Gadou, le grand maître de la savate et du chausson. Rapidement le coup de pied brisé, le chassé bas, la riposte, le coup de pied de flanc, la parade n’ont plus de secret pour moi. Les bourgeoises se pâment devant mon corps de rêve. Elles viennent essuyer ma sueur après les combats. Mais je suis désespéré lorsque notre art est récupéré par la boxe française, et, plus encore, anéanti, quand les jolies femmes se détournent vers les boxeurs américains. Malgré tout je deviens à 82 ans champion vétéran du Pas de Calais. Un dernier coup de pied de pointe donné par un jeune gommeux m’achève.

N’ oubliez jamais les vraies valeurs de «  l’escrime à coups de pied » !
C'étaient celles de la France avant la décadence.

Non omnia possumus omnes*

René

*Nous ne pouvons pas tout