Mon tonkinois
Image extraite d'un album familial provenant d'Indochine ( années 50) Cette photo a été prise dans le jardin de notre grande maison située dans la banlieue d'Hanoi. Mon père était Président du Conseil d'Administration des Etablissements Français du Tonkin ( fonds convertibles en valeurs et obligations de l'Etat). Il cultivait les manguiers, les plaqueminiers, le tehio, les jujubiers, l'arrow-root et la sanservière…. Le dimanche, nous allions au jardin botanique et d'acclimatation suivre les concerts de la musique du 9° de marine. Je suis fils unique. Je pose fièrement avec mes jouets reçus de la lointaine métropole. Plusieurs domestiques annamites s'occupent de Ma personne. Mais ce jour là, je suis aussi nu que les enfants des radeaux sur le fleuve rouge.. Après la défaite de Dien Bien Phu je découvre la France de René Coty. Mon père, prudemment, avait rapatrié l'essentiel des piastres en sa possession. Il achète alors un hôtel particulier à Neuilly, ville où j'ai grandi et poursuivi mes études. J'aurais pu vivre de ses rentes, mais je voulais être indépendant. J'abandonne tout pour créer, au cirque Nadine Morano, un numéro de jonglage d'assiettes sur bambous : les " BAO-DAI". D'errances en errances, je deviens tchéko*. J'apprends par le journal la mort de mes parents. J'hérite de la maison, mais les placements sont légués en dernière minute à la gouvernante tonkinoise de mon père. Je passe du jour au lendemain de SDF à l'ISF (grâce à NS et son BF je suis exonéré) Lucien * en argot du cirque: monteur de chapiteau